Je me suis dit que plus personne ne se souvenait de rien. Derrière le mur s’étendait un no man’s land, une zone de vide et d’oubli. Les vieux bâtiments des Tourelles n’avaient pas été détruits comme le pensionnat de la rue de Picpus, mais cela revenait au même. Et pourtant, sous cette couche épaisse d’amnésie, on sentait bien quelque chose, de temps en temps, un écho lointain, étouffé, mais on aurait été incapable de dire quoi, précisément.
Dora Bruder se manifeste-t-elle à nous de la même façon que pour Modiano ? On le penserait. Pourquoi, depuis ma lecture de juillet, sa silhouette imaginée me revient-elle régulièrement en tête, cette ombre en fuite dans les rues de Paris, des rues que je vois sans bien les connaître. C'était une fille indépendante et rebelle, mais on ne disparaît pas de ça. L'absente est toujours là, grâce à un livre capital. De là ce billet en décalage, comme une nécessité.
Le point de départ est une annonce que Modiano a lue dans Paris-Soir le 31 décembre 1941 :
Contrairement à l'enquête de "Encre sympathique", ce si beau roman que l'on veut revivre, il n'y pas de Dora au bout de la quête. Elle est évanouie dans les camps de la mort, comme son père Ernest, comme Alberto, le père de l'écrivain. C'est glaçant mais il importe de rappeler ce récit (auto)biographique du Nobel 2014.
Je découvre qu'on a baptisé une rue de Paris "Promenade Dora Bruder".
On se dit qu’au moins les lieux gardent une légère empreinte des personnes qui les ont habités. Empreinte : marque en creux ou en relief. Pour Ernest et Cécile Bruder, pour Dora, je dirai : en creux. J’ai ressenti une impression d’absence et de vide, chaque fois que je me suis trouvé dans un endroit où ils avaient vécu.
Je vais noter pour un challenge...
RépondreSupprimerSinon, suite à votre commentaire sur un roman de J Wolkenstein, je vous conseille plutôt l'excuse, de cette auteure, car Jamesien! Mon préféré de l'auteur.
Un challenge ?
SupprimerMerci du conseil pour Wolkenstein, je l'avais bien noté..
À bientôt.
Je ne l'ai pas lu... Vous me faites penser que je le devrais car j'ai raté quelque chose.
RépondreSupprimerC'est assez vite lu et ça marque. Je ne m'en rendais pas compte au moment de la lecture, mais c'est le cas. Bizarre le pouvoir de certains livres...
SupprimerJ'ai aimé ces deux récits de Modiano et vous avez raison, ils laissent des traces ineffables.
RépondreSupprimerMerci pour le lien sur la promenade Dora Bruder, qui m'a entraînée vers le compte rendu de la soirée Modiano au théâtre de la Ville et fait rêver d'entendre Sami Frey le lisant "de cette voix traînante à la tessiture unique".
Les liens hypertextes peuvent être des portes vers une rêverie...
SupprimerDernièrement j'ai lu un autre Modiano, "Dimanches d'août", il m'a laissé assez indifférent.