28 janvier 2022

Au bord de l'abîme

Traduit de l'américain par Sabrina Duncan

C'est un de ces romans qui nous apparaissent accomplis, quelque chose de rond auquel il n'y a rien à ajouter.

Le but n'est pas d'aboutir à l'explication de ce qui s'est passé. Mais c'est arrivé : plus d'électricité nulle part à New York. Les écrans sont noirs. Les ascenseurs ne fonctionnent plus. Pénombre, froid et paralysie. Évidemment, du monde dans les rues.

"On est toujours au bord de l'abîme à cause d'un petit pas de côté. 
C'est toujours comme ça chez DeLillo."
(Marianne Véron, traductrice)

Dans l'attente du match du Super Bowl, plus d'image : Martin, devant la télé entre Max et Diane, débite des mots qui n'ont pas beaucoup de sens. Comme s'ils avaient pris la place du bruit de fond à quoi ressemble le brouhaha médiatique. Diane, son ancien professeur de physique l'écoute comme magnétisée, binôme maître-élève inversé. Relation troublante, les mots du jeune homme l'inquiètent : "Elle ferma les yeux et le prononça dans sa tête. Ajoutant : Martin Dekker, vas-tu vivre tout seul pour le restant de tes jours ? L'écran noir semblait représenter une réponse possible."

Max, lui, attend le match devant l'écran désespérément muet. Dépassant sa frustration, il débite lui-même le commentaire attendu, incluant même les pubs : "Apaise et hydrate. Deux fois plus pour un prix dérisoire." Soûlerie de mots, Max fait lui-même la soirée foot, ça s'invente tout seul.

Le couple qui doit les rejoindre à Manhattan échappe à un accident d'avion dû aux défaillances électriques. Tessa et Jim s'enferment dans les toilettes et font l'amour. On dirait que c'est pour ça qu'ils ont survécu au crash, on dirait le 11 septembre. Ont-ils eu peur ? Le titre du chapitre : "La vie devient parfois si intéressante qu'on en oublie d'avoir peur". 

À la réception de l'hôpital :
"Zéro e-mail, dit-elle en se penchant en arrière, paumes levées. À la limite de l'impensable. Qu'est-ce qu'on fait ? Qu'est-ce qu'on accuse ?
Des gestes à peine perceptibles.
"Sans e-mails. Imaginez un peu. Dites-le. Écoutez comment ça sonne : Sans e-mails."

Une panne technologique pour une courte dystopie aux inflexions paranoïaques. L'intranquillité existentielle habite le récit. Pour aller plus loin avec Don DeLillo, j'ai emprunté trois romans (dont "Libra", le seul best-seller de l'auteur) et un recueil de nouvelles ("L'ange Esmeralda").


6 commentaires:

  1. Ce titre n'est pas à la bibli, mais beaucoup d'autres qui donnent envie. Je connais l'auteur bien sûr.

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    1. "Le silence" est récent (2021), il arrivera sans doute bientôt.
      J'ai commencé "Libra", fiction autour de l'assassinat de JF Kennedy.

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  2. Un auteur que je n'ai jamais lu, cela viendra peut-être.

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    1. Je pourrai en dire plus sur DeLillo lorsque j'aurai lu davantage que cette courte fiction réussie.

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  3. Bonsoir christw, j'espère lire ce roman qui pourrait me plaire car une panne d'électricité générale, je crois que cela arrivera un jour. Bonne soirée.

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    1. Bonjour Dasola, heureux de vous voir par ici. Notre civilisation est devenue très dépendante de l'énergie électrique et le blackout n'est pas à exclure. En espérant qu'il ne prenne pas les proportions de cette fiction.

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