22 avril 2024

Quartier libre


Traduit de l'anglais par Marie-Odile Fortier-Masek

Nous sommes en Angleterre, le dimanche 30 mars 1924, au lendemain d'une guerre qui changea la société et amorça le déclin de l'aristocratie : des fils ne sont pas revenus, les domestiques masculins ont disparu et les automobiles ont remplacé les chevaux. Ce dimanche est celui des mères, à savoir que dans les grandes familles, les domestiques ont quartier libre pour rendre visite à leur maman. Chez les Niven, sont concernées la jeune servante orpheline Jane et Milly la cuisinière. Mais pour Jane Fairchild – Goodchild, Fairchild, Goodbody, etc. noms que l'on donnait dans les orphelinats aux enfants trouvés –, que faire sinon partir sur sa bicyclette en pique-nique et continuer ce livre qu'elle venait de commencer, d'un certain Joseph Conrad ?

Le 30 mars est aussi la date d'un rassemblement familial : afin de marquer les noces de leurs enfants, Paul Sheringham épousant dans quinze jours la riche héritière Emma Hobday, les Hobday ont invité les parents du garçon à déjeuner, ainsi que leurs amis, les Niven. Le temps est radieux, lumineux.

Pour Jane, le sort tourne : le téléphone sonne, elle prétend un faux numéro pour ne pas alarmer Mr Niven toujours à la table du petit-déjeuner, car Paul Sheringham, dont elle est l'amante de longue date, est au bout du fil. Il l’invite à le rejoindre, la maison familiale sera vide, il a conduit les domestiques à la gare pour l’excursion chez les mères. Cela s'apparente à un ultime rendez-vous amoureux secret, car dans la journée, Paul devra rejoindre sa fiancée Emma dans un restaurant sur la Tamise.

Ce dimanche va changer à jamais la vie de Jane Fairchild.

La jeune domestique a un autre amour, celui des livres et des mots. Graham Swift glisse subrepticement qu'à 80 ans, Jane sera devenue une écrivaine célèbre. À travers les bribes d'interviews données par la future romancière, Swift développe quelques réflexions sur la littérature, la fiction et la vie, ce qui est vrai, ce qui est mensonge. Cet étirement du temps alors que tout se concentre en une seule journée est une merveille.

Malgré sa façon crue d'exposer le sexe, le roman sensuel de Graham Swift est empreint de délicatesse, de sensibilité. Je vous invite à regarder la minute de présentation de La Procure où la libraire conclut avec une pointe d'émotion que ce roman l'a éblouie.

Cela donne envie de lire d'autres livres de Graham Swift, assez méconnu en terres francophones. J'ai réservé des romans et nouvelles à la bibliothèque. À bientôt avec Swift alors ? Un extrait à venir.



12 commentaires:

  1. J'avais lu et énormément aimé "Le pays des eaux". Je pense que je vais me précipiter sur celui-ci, merci.

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    1. De mon côté, "Le dimanche des mères" m'a fait réserver "Le pays des eaux" en bibliothèque ainsi que deux recueils de nouvelles.
      Je vous souhaite une belle lecture.

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  2. Je suis heureuse de voir que ce livre vous a plu autant qu'à moi, un auteur très peu visible en france,

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    1. C'est dommage qu'il ne soit pas plus diffusé ici, néanmoins plusieurs titres sont disponibles, en nombre limité, dans le réseau de ma bibliothèque provinciale et il faut attendre qu'une navette les ramène de différentes antennes locales.

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  3. Un auteur que je ne connais pas du tout, les deux ttres sont notés, merci. je m'en vais de ce pas lire l'extrait du jour.
    Bonne journée !

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    1. Belle journée, à vous, je suppose qu'il fait plus beau à Majorque qu'ici où les températures minima sont au plancher....

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  4. Un excellent souvenir de lecture. C'est avec ce roman que j'ai découvert l'univers de Graham Swift.

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    1. Un univers que je compte bien parcourir davantage. S'il y a quelques difficultés me faire parvenir via réseau des bibliothèques "Le pays des eaux", il devrait m'attendre bientôt, à deux pas d'où je vis à présent (complexe B3).

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  5. Je ne me souviens pas de l'avoir lu mais votre billet est tentant, alors cela se fera peut-être.

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    1. Je vous souhaite d'y trouver de l'agrément, si vous vous décidez. J'ai commencé "Le pays des eaux" mais ayant d'autres lectures en parallèle, je traîne.

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  6. C'est le premier livre que je lisais de Graham Swift également ; je me souviens très bien de l'ambiance du livre quelques années après sa lecture. Par contre, la fin m'avait un peu déçu. Je me suis noté "A tout jamais" pour continuer à découvrir son oeuvre.

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    1. Je lis pour l'instant "Le pays des eaux" (1983), je le trouve excellent. Beaucoup plus long que "Le dimanche des mères", mais à essayer absolument si Swift vous a conquis par une certaine «ambiance».

      Au plaisir de vous lire ici, Patrice.

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