Hachette Livre, 2012 / Librairie Générale Française, 2017 350 pages |
Michel Navratil, couturier à Nice et son épouse Marcelle Caretto, connaissent des problèmes de couple. Il décide de s'enfuir avec leurs deux enfants afin de réussir aux États-Unis. Sous le pseudonyme de Hoffmann, grâce au passeport qu'il a emprunté à un ami, il embarque sur le Titanic avec les garçonnets : Edmond (Monmon, 2 ans) et Michel (Lolo, 4 ans).
Le récit est élaboré par Élisabeth Navratil : née en 1943, elle est la fille de Lolo, rescapé du naufrage, qui se prénomme Michel comme son père.
Je reste perplexe en lisant certaines notes de bas de pages témoignant du souci d'authenticité – la mort du capitaine Smith par exemple, il est précisé que plusieurs versions contradictoires rendent aléatoire la vérité historique –, en regard d'autres scènes, dont certaines assez larmoyantes, manifestement dues à l'imagination de l'autrice. Ajoutons-y des visions soi-disant télépathiques perçues par Marcelle éplorée qui ne savait où étaient Michel et ses enfants, phénomènes dont il est précisé, en bas de page : "Malgré leur invraisemblance, les faits rapportés ici sont exacts".
Les informations sur les causes du naufrage et son déroulement s'appuient sur des sources dont l'origine n'est pas toujours précisée. On apprend la nonchalance du commandant Smith qui glisse ostensiblement dans sa poche, sans les lire, des messages de bateaux aux alentours qui signalent des glaces. De même, on avait égaré les jumelles des vigies.
Élisabeth Navratil obtint des témoignages limités de son père, car le gosse de quatre ans, épuisé, s'endormit dans la chaloupe de sauvetage, d'un sommeil qui gomma ses souvenirs récents.
Dans une postface, l'auteure, consciente de l'embarras du lecteur, tente de préciser le vrai de l'imaginaire. On y trouve la liste des événements révélés par Lolo, alias Michel. Elle y raconte aussi l'histoire du livre, dont une première version parut en 1980, où elle usait de pseudonymes à la demande de la famille. De cette semi-fiction initiale, naquirent des idées fausses sur la famille Navratil. La troisième version de 2017 est plus authentique, mais Élisabeth a néanmoins conservé plusieurs personnages fictifs et diverses informations erronées, telles la libre circulation des passagers entre les classes du navire. Ce qui nie la réalité clivante des inégalités sociales.
Dans "Les enfants du Titanic", à la vue de l'iceberg fatidique, l'ordre donné par l'officier de quart Murdoch au timonier aurait été "À gauche, puis à droite !". Intrigué par cet ordre contradictoire qui me semble fantaisiste, j'ai déniché un document du Web :
Difficile d'adhérer à ce qui précède, car je lis sur France Info (confirmé par Wikipédia) :"À cette époque la marine britannique utilise encore à bord des navires civils et militaires les ordres de manœuvres employés sur les voiliers, et lorsque l'on veut aller à bâbord (gauche), il faut pousser la barre franche à tribord (droite) située à la poupe (arrière).C'est pourquoi on indique non pas la direction à prendre, mais de quel côté il faut pousser la barre franche fixée au safran, ou plus tard tourner la barre à roue actionnant le gouvernail.Pour éviter des accidents malheureux qui ne manquèrent pas d'arriver, ce système controversé est enfin abandonné le 1er janvier 1933 ! Cette décision fit grand bruit à l'époque."
"... pour les spécialistes de la marine, ce scénario est totalement farfelu. Pour commencer, les barres à roue ont fonctionné sur le même principe dès leur invention : le navire tourne dans le sens où le timonier tourne la roue. Et aucun changement technologique n'a eu lieu au début du XXème siècle."
En réalité, et pour revenir à ce que concluait Paul-Henri Nargeolet (voir "Dans les profondeurs du Titanic"), l'erreur que commit l'officier Murdoch fut de freiner le paquebot au lieu de maintenir sa vitesse pour virer plus court (l'hélice centrale agissant alors mieux sur le safran braqué). L'autre option étant de ralentir en prenant l'iceberg de face. À l'allure du Titanic à ce moment (22,5 nœuds-41 km/h), le pauvre n'eut que 37 secondes pour réagir.
John Parrot/Stocktrek Images |
Un livre un peu élitiste, avec un défilé de richissimes personnalités, des ambiances qui me paraissent toutefois bien rendues, notamment dans les canots où l'on meurt de froid, les rescapés ont les pieds dans l'eau glacée qu'il faut écoper.
Mais trop d'imprécisions techniques, raison pour étoffer ce compte rendu par les paragraphes pragmatiques qui précèdent.
Michel (Lolo) et Edmond (Monmon) Navratil |
Un montage radiophonique de France Inter fait revivre l'histoire des deux enfants et de leur père dans la série "Autant en emporte l'histoire".
Billet fort intéressant, bravo d'avoir fait ces recherches. Et je reste sur le passionnant livre de Nargeolet, bien sûr.
RépondreSupprimerMerci Keisha. Je m'attendais à mieux avec celui-ci et comme vous, je reste sur le livre de Nargeolet. J'ai acquis "La nuit du Titanic" (1955) de Walter Lord mais il a donné une version plus à jour "Les secrets d'un naufrage" (1998) que j'ai réservé en bibli, ainsi que le "must" (cher, même d'occasion) "Titanic,1912-2012" de Riffenburgh Beau (2011).
SupprimerComme les transferts entre bibliothèques du réseau sont gelés pendant la période des fêtes, je ne pense pas recevoir mes réservations bientôt.
Fascinée par tout ce qui se rapporte au Titanic, j'allais m'empresser de noter ce titre mais tout comme Keisha, je vais rester sur le Nargeolet.:) J'avais aussi repéré La nuit du Titanic, mais je note donc plutôt Les secrets d'un naufrage.
RépondreSupprimer"Les secrets d'un naufrage" se trouve facilement en médiathèque, par contre je ne réussis pas à trouver un d'occasion en bon état.
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