24 novembre 2024

L'épave convoitée

de Paul-Henri Nargeolet -
Harper Collins France, 2022

On sait par les témoins du naufrage que le Titanic, le 15 avril 2012 à 2 h 20, s'est brisé en deux avant de sombrer à une vitesse de 40 à 50 km/h : la proue s'est enfoncée comme une flèche dans les sédiments par 3.800 mètres de fond alors que l'arrière du bateau a coulé en pivotant, hélices en avant. Les deux tronçons du navire se sont vidés de leur contenu, répandus sur près de 2 km carrés. L'impact fut si dur que des chaudières de plus de 60 tonnes ont été aperçues à plusieurs dizaines de mètres de la coque.

Paul-Henri Nargeolet est «le» spécialiste de l'exploration de l'épave qu'il a visitée trente-deux fois, de 1987 à 2021, ce qui permit de remonter plus de 5000 objets : du plat à œufs à la chocolatière en argent massif jusqu'à la big piece, fragment de la coque avec hublots, renforts et rivets, pesant 20 tonnes. Cette dernière a nécessité quatre ans d'étude et plusieurs tentatives pour la hisser en surface. Ses dimensions donnent une idée de la taille du Titanic et valorisent les expositions d'autres objets récupérés.

Le livre regorge de solutions techniques adoptées pour atteindre l'épave et agripper des objets, mais cible aussi de nombreuses légendes et fausses informations sur le naufrage du transatlantique.
D'abord l'hypothèse d'une longue déchirure de près de 100 m au contact de l'iceberg : si c'était le cas, le paquebot aurait coulé en dix minutes, explique notre spécialiste. L'exploration de l'épave a montré qu'il n'y avait que cinq petits trous totalisant à peine un mètre carré, au total une porte de placard. Ces cinq petites brèches en pointillés sur 60 mètres, portant sur six compartiments, furent suffisantes pour laisser s'engouffrer 400 tonnes d'eau à la minute alors que les trois pompes de cale ne pouvaient, ensemble, évacuer que 400 à 450 tonnes à l'heure, soit près de soixante fois moins. 
Autre fait critique, l'accusation visant le capitaine Smith qui, en vue de l'iceberg, a commandé de virer et freiner le bateau : en réalité un tel bateau vire d'autant plus court que son allure est élevée. Nargeolet va plus loin, freiner le bateau et le laisser heurter de front le bloc de glace aurait peut-être écrasé la proue sans provoquer de voies d'eau fatales (voir l'attitude du capitaine du paquebot Royal Edward en 1914).

De nombreuses questions que l'on se posait sur cette tragédie marine trouvent une réponse sensée et experte dans cet ouvrage captivant.
Descendre dans un submersible comme le Nautile à 4000 mètres sous une eau à 0°, pendant des périodes de douze heures parfois (il faut du temps pour atteindre l'épave, le Nautile avance à 3 km/h) suscitent quelques questions. Il faut savoir que l'eau, à ces profondeurs, engendre une telle pression sur les parois de l'appareil que son volume intérieur diminue de plusieurs dizaines de litres. Le froid à l'intérieur de l'engin est vaincu par des vêtements adéquats et un peu atténué par la chaleur des appareils qui l'équipent. L'on respire de l'air normal à la pression atmosphérique normale, recyclé par élimination du gaz carbonique grâce à de la chaux sodée ou du lithium. Puis, pendant dix ou douze heures, difficile de ne pas se soulager : débrouilles avec des bouteilles diverses et des couches pour les équipières. Nargeolet mentionne que les Japonais utilisent, comme les pilotes de chasse, un système de granulés pour éliminer l'urine. Être passager du Nautile est accessible à toute personne en bonne santé, à condition de résister au stress lié à la claustration et à la durée de l'expédition.

Mon billet ne dit guère sur la convoitise que suscitent les restes du Titanic. Le livre vous comblera sur ce point avec notamment la concurrence implacable du géologue américain Robert Ballard.

Avec consternation, j'ai appris (hors livre) la mort de l'auteur en juin 2023 : il effectuait une descente vers le Titanic avec le submersible « touristique » Titan (5 places) qui a implosé après 1 h 45 de descente.

Merci, monsieur Nargeolet, de nous avoir fait vibrer avec vos aventures, avec ce livre qu'illustrent quelques photos pertinentes et émouvantes (dans la version non poche que j'ai empruntée).

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