1 mai 2018

This old-fashioned simplicity


Traduit de l'anglais par Claude Bonnafont

"Washington Square" (1880) est de ces romans classiques au style délicat qui caractérise le jeune mais aguerri Henry James (37 ans), avant les œuvres abyssales telles que "Les Ailes de la colombe", "La Coupe d'or" et "Les Ambassadeurs", à la phrase plus complexe qui lui valut la réputation de Proust américain. Nous découvrons ici une prose claire et acérée, où fleurissent l'intelligence et la pénétration psychologique. 

Le sujet est épuré, un quatuor central, action réduite au minimum. Le riche et considéré docteur Sloper, veuf, vit avec sa fille unique Catherine, terne physiquement et d'esprit mais bonne de cœur, et avec une sœur Mrs Penniman, stupide et avide de romanesque, en dépit de ses devoirs éducatifs envers Catherine. Morris Townsend, jeune homme séduisant sans situation, fait une cour assidue à la fille du médecin qui s'éprend. Le docteur réalise rapidement que Morris est un coureur de dot et manifeste un refus rigide, sinon à tout rapprochement, certainement à léguer son argent au couple. 

La préface de Claude Bonnafont – que j'ai eu l'intuition de ne lire qu'après le roman – figurerait adéquatement en fin de volume, car elle dévoile l'aboutissement de l'histoire, désamorçant son moteur essentiel. En effet la forme seule – hormis la belle phrase – est d'un conventionnel auquel les romans actuels confinent rarement : monotone narrateur omniscient, progression rigoureusement séquentielle, aucune ellipse tenue de piquer la perspicacité du lecteur. Bref du pain béni pour le cinéma : scénario et dialogues clés sur porte. Et me reviennent ces réflexions de Sophie Divry sur le devenir du roman qui, heureusement, n'en est pas resté au conformisme de "Washington Square":  "C'est très efficace de raconter une histoire, mais ça ira toujours plus vite ailleurs", écrit-elle en pointant le cinéma et les séries télévisées, "machines narratives si puissantes qu'il est à mon avis vain de chercher à les concurrencer". 

C'est la principale observation que je tenais à manifester à propos de ce récit plaisant de Henry James, à distance de l'extraordinaire nouvelle "Le tour d'écrou" où James explore de façon moins convenue les terribles abîmes de l'esprit. 


Washington Square dans les années 1880

13 commentaires:

  1. Récemment j'ai emprunté en bibliothèque un énorme volume de plusieurs romans de James, me disant, cette fois je m'y mets. Franchement je sens que cet auteur a tout pour me plaire. Hélas ce ne fut que partie remise... Manque de temps. Mais je n'oublie pas, et je sens que je devrai démarrer par ce Washington Square à la narration assez classique (?)

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    1. Je reviens souvent de la bibliothèque avec un tas de livres que je n'ai pas le temps de lire !
      Henry James est très classique (dans la première partie de sa carrière), c'est très bien, "Washington Square" me semble idéal pour vérifier si l'on y mordra.

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  2. J'avoue que mes tentatives avec Henry James se sont toutes soldées par de l'ennui. Par contre, en général, j'aime les adaptations qui en sont faites au cinéma.

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    1. Tiens ! Oui, la monotonie parce que dans ce récit, la structure de la narration respecte rigoureusement la chronologie et et les points de vue ne sont pas diversifiés, avec le passé simple tout au long, mais je trouve que l'intérêt se maintient du début à la fin, en tout cas en ce qui me concerne.
      Voir "Washington Square" au cinéma ou à la télé ne m'aurait certainement pas moins diverti.

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    2. Je trouve que l'ennui peut venir de ce que l'auteur détaille tout, les dialogues plombent parfois, aucun raccourci ; la minutie peut lasser à la longue. C'est pourquoi chez James, j'opte pour les nouvelles, sans hésiter.

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  3. Merci pour l'idée des nouvelles ; ça pourrait me familiariser plus facilement avec son style.

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  4. A force de lire des commentaires sur l'oeuvre de Henry James, que j'ai lue partiellement et dans le désordre, je crois que je vais tout reprendre de manière plus ordonnée ! Je garde de ces lectures un excellent souvenir.... et de plus j'aime les très longs romans !

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    1. Les longs romans, alors vous serez servie avec ce que Claude Bonnafont appelle les « œuvres abyssales ». Pour ma part, je trouve que "Washington Square" est de longueur suffisante en regard du sujet épuré, 280 pages.

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  5. est ce une bonne façon de découvrir cet auteur que je n'ai pas encore réussi à lire malgré quelques tentatives un peu lointaines maintenant?

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    1. Oui, certainement, ce roman-ci est, selon moi, agréable et de bonne facture, avec les réserves émises dans le billet.

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  6. C'est mon préféré de James !

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  7. J'adore James et ce roman-ci est mon préféré.

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