11 octobre 2018

Portnoy et son complexe


"Trente-trois ans, et toujours à mater et à se monter le bourrichon sur 
chaque fille qui croise les jambes en face de lui dans le métro." 


Traduit de l'anglais (États-Unis) par Henri Robillot, 275 pages. 

Je n'ai pas eu une bonne idée de vouloir aborder Philip Roth par ce livre. Un professeur de littérature américaine (j'ai depuis relativisé la qualité de son cours sommaire) m'avait détourné de Roth, il préférait Saul Bellow, trouvant Roth en dessous. Néanmoins, sensible aux dithyrambes dans les médias à son décès, je me suis décidé pour le livre qui l'a propulsé sur la scène littéraire, aiguillonné par la difficulté de le trouver disponible dans les bibliothèques de la ville. 

"Portnoy et son complexe" (1967) est une satire du milieu juif américain dans lequel l'auteur a grandi dans les années 1960. Il s'agit d'un monologue lucide et féroce en présence d'un psychanalyste, le docteur Spielvogel. Portnoy est un Juif dans la trentaine, bourré de complexes et d'obsessions. Il dépeint de manière caricaturale les stéréotypes de la communauté juive de l'époque : extravagance, possessivité des mères, soumission des enfants et des maris, la volonté de maintenir la famille au sein de la communauté, une forme de racisme envers les non-juifs. 

Excessivement couvé par une mère envahissante et futile, navré par un père constipé chronique, Alex Portnoy développe en réaction une sexualité débridée qui pulvérise les dogmes et les préjugés. Sans pudeur, il dévoile les aspects paillards et sexuels de son psychisme. La litanie de ses mœurs, exutoire auquel il semble prendre un plaisir salutaire, n'empêche pas la honte d'une sexualité débordante qu'il trimbale du début à la fin du livre. Tenaillé entre tendresse et animosité envers les siens, entre ses besoins charnels et la culpabilité du surmoi (le petit garçon poli et bon élève), Portnoy crie ses tiraillements au fil des pages.

Le flot des mots est furieux et talentueux. Densité démesurée de points d'exclamation, d'incises et de termes juifs (lexique en fin de volume). Pétillant mais un peu étourdissant. Jamais sordide.

Les cent premières pages, on se réjouit et sourit beaucoup du culot de Roth, du sexe sans pincettes et des astreintes étouffantes de la famille juive. Au-delà, le ton impétueux persiste avec la redite des mêmes emportements et remords, les femmes goys se suivent avec l'impossibilité de s'attacher, d'aimer au-delà des étreintes et caprices libidineux plus ou moins sophistiqués. Une lectrice écrivait sur Babelio avoir hâté la fin de sa lecture, lassée de "Portnoy et son schlong". J'avoue avoir eu tendance à faire de même – ôtez donc cent pages à ce livre! –  en espérant retrouver prochainement un Philip Roth moins turbulent. Sans dénier le cynisme vigoureux et cocasse dont fait preuve le provocant Alexandre Portnoy pour dénoncer les tabous.

Un extrait à suivre.

14 commentaires:

  1. Et voilà pourquoi je n'ai pas encore ouvert ce titre-là de Roth, ça ne me dit rien. Mais j'ai trouvé les premiers "Zuckerman" en Folio que je compte lire bientôt.

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    1. Quand je me remettrai à Roth (sans avoir beaucoup apprécié "Portnoy", j'ai pu y reconnaître un excellent écrivain), je tenterai "La contrevie", malheureusement jamais repéré jusqu'ici dans les rayons incomplets de la bibliothèque provinciale de Liège.

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  2. Je pensais commencer par celui-ci, mais ce que tu dis m'invite (au delà des 100 premières pages) à aller voir ailleurs.

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    1. Oui, c'est un peu trop répétitif, les plus courtes sont les meilleures comme on dit. Mais je comprends le succès du roman.

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  3. Il est quelque part dans mes étagères depuis longtemps, je n'arrive pas à l'en sortir. J'ai aussi "La tâche" qui serait peut-être mieux pour commencer.

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    1. Je ne saurais vous dire, "La tache" (2000) fait partie du cycle "Zuckerman" (cet homme en sucre?), un des romans les plus appréciés par l'auteur (wikipédia), prix Médicis étranger.

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  4. J'ai lu quelques "Zuckerman" il y a longtemps, et Nemesis récemment. Bons souvenirs.

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    1. Je crois que "Némésis" fait partie d'un cycle également, le cycle éponyme.

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  5. ça ne me dit pas trop non plus. je n'ai lu qu'Exit le fantôme et j'en garde un souvenir mitigé (disons qu'il vaut mieux avoir le moral avant de commencer…)

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    1. "Exit le fantôme" est l'épilogue du cycle Zuckerman, ce qui explique peut-étre qu'il ne soit pas gai ?

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  6. je n'aime pas tout P Roth, en fait mes préférés sont la trilogie magnifique : Pastorale américaine, la j'ai épousé un communiste et la tâche, là il est au mieux de son art

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    1. J'ai songé à entamer cette trilogie, mais comme déjà dit plus haut, la bibliothèque provinciale ici ne l'a jamais au complet en rayons, "La pastorale" semble absente et j'aurais aimé commencer par le début. Je les trouverai en seconde main.

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  7. Un auteur que je souhaite mieux découvrir. J'ai lu certains de ses romans dans le désordre, il y a ...trop longtemps. Ce livre semble être un véritable exutoire. Il faut dire que c'est parfois la seule façon de se libérer d'une éducation trop étouffante, avant de pouvoir être soi-même.

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    1. C'est vrai. Après le "Portnoy" exultant, Roth a fait un immense parcours littéraire, mais il a gardé un côté enfant terrible.

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