On ne va pas reprocher à un poche de ce prix l'absence d'un petit dossier de lecture qui aiderait le novice de Faulkner. Cette remarque en raison de la difficulté immédiatement perceptible de ces textes, toujours déroutants chez l'auteur américain, dont on ne peut apprivoiser certaines finesses que grâce à un bagage suffisant de lectures commentées. J'ai pu lire ici et là quelques critiques affligeantes de personnes qui ont trouvé abscons ces très bons récits.
On trouve néanmoins dans le petit "Folio" deux pages de présentation de l'auteur avec l'avertissement que "l'univers de Faulkner est un univers pessimiste, dont la déchéance, le péché, l'expiation par la souffrance forment la trame dramatique", ce que dénie complètement la couverture à l'eau de rose.
Ces quatre nouvelles diversifiées, écrites en 1930-31, sont tirées de "Treize histoires" (1931). Elles ont chacune pour protagoniste une femme en souffrance [non centrale dans "Chevelure"], et de ce fait possiblement cruelle ou malfaisante.
Le lecteur familier de l'Américain y retrouvera complètement le Faulkner des romans de ces années-là, mais aussi deux surprises: "Une rose pour Emily", nouvelle parmi les plus connues, qui comporte un final digne d'un maître de l'horreur, puis "Chevelure", histoire d'un coiffeur qui... décoiffe dans les deux dernières lignes.
Dans "Soleil couchant", l'on trouve les personnages familiers de la famille Compson ("Le bruit et la fureur", c'est d'ailleurs une autre nouvelle avec ces gens, "Crépuscule" qui fut le point de départ du fameux roman). Quentin est le narrateur de cet épisode poignant centré sur la servante noire Nancy, terrorisée par son compagnon Jésus. Les dialogues sont difficiles à suivre de manière courante [fluently], il faut savoir qui parle, mais une fois que l'on repère de qui vient la voix, c'est magnifique.
Si l'on a pu déplorer certains propos d'un Faulkner quelque peu gagné par le racisme de son milieu, il reste néanmoins l'auteur des textes les plus clairvoyants et implacables écrits contre le racisme. Ainsi le quatrième du recueil, "Septembre ardent" où tout est dans l'atmosphère, chaleur nocturne insoutenable, lune rousse, violence prête à s'accomplir :
"À l'est, la blême hémorragie de la lune croissait. Elle pesait sur la crête des collines, argentant l'air et la poussière, si bien qu'ils avaient l'air de respirer, de vivre dans une flasque de plomb fondu. Nul bruit, ni d'insecte, ni d'oiseau nocturne ; rien que le souffle de leur respiration et un léger cliquetis de métal contracté, dans les autos. Où leurs corps se touchaient ils semblaient suer à sec, car ils n'étaient même plus en moiteur. «Nom de Dieu, dit une voix, partons d'ici.»"
Toutes les traductions sont de M.-E. Coindreau hormis "Chevelure" qu'on doit à R.-N. Raimbault et Ch.-P. Vorce. La version de "Une rose pour Emily" a été revue en 1996 par Michel Gresset. Faulkner est le seul auteur chez lequel certains passages traduits me poussent à consulter, quand c'est possible, la version originale pour mesurer la tâche ardue, parfois impossible, de rendre sa langue en français.
Ce matin je suis tombée sur un billet parlant de Les Snopes (1200 pages!), et maintenant des nouvelles. Oui, un univers qui demande un peu de précautions avant de s'y lancer -pour une fois, j'ai apprécié de l ire la préface de Le bruit et la fureur, alors que d'ordinaire je ne les lis qu'à la fin
RépondreSupprimerFigurez-vous que je viens d'acheter, sur un coup de cœur, il y a trois semaines, ce gros volume sur les Snopes ! Je me réjouis d'y aller.
SupprimerComme vous dites, il faut avancer en lisant les analyses, préfaces de spécialistes afin de ne pas se détourner de ce genre d'auteur. Puis le reste vient, même si la lecture n'est jamais facile, ou plutôt jamais «fluent» (j'aime bien le mot anglais ou j'entends «flux»), même dans les nouvelles simples.
Bonne journée Keisha.
j'ai dans ma bibliothèque le volume quarto sur les Snopes, j'ai lu deux des romans et on en sort totalement laminé même si parfois c'est à hurler de rire c'est quand même un rire douloureux
RépondreSupprimerFaulkner j'ai envie de dire : ça se mérite, il faut sortir un peu de notre zone de confort de lecteur, accepter d'être bousculé, malmené je note ce petit volume un Faulkner à 2 euros c'est sans discussion
Je crois que vous avez lu vos romans en Pléiade, c'est bien car vous avez de bonnes notes annexées.
SupprimerPas mal ce que vous dites ! Et c'est vrai, c'est parfois douloureux, il y a un effort de lecteur à faire, se laisser porter par les mots avec WF, ça ne marche pas, on déraille après trente lignes. Maintenant il faut voir si on y trouve son compte... J'aime beaucoup mais aux moments choisis.
Je pensais aborder "Absolon, Absalon!" en ce début d'année, mais les Snopes me tentent. De toute façon je ne lirai pas tout ce gros volume en une fois.
J'ai un autre recueil de nouvelles, ce n'est pas "Treize histoires" (je me le procurerai) mais "Histoire diverses" (1967, Gallimard) avec 17 courts récits.
Moi aussi je viens de lire un billet sur les Snopes (peut-être le même que keisha!)visiblement je mets Faulfner à mon programme . Je l'ai lu il y a si longtemps je dois raviver ma mémoire lui redonner une autre vie chez Luocine.
RépondreSupprimerBonsoir Luocine. Le tout avec Faulkner est de ne pas se lancer dans une de ses œuvres trop difficile pour (re)commencer, "Lumière d'août" me semble un bon choix (mais plus de 600 pages en poche Folio ) ou alors une nouvelle.
SupprimerRedonnez une autre chance à ce vieux William, c'est le moins que je puisse vous souhaiter...
Merci de me signaler ce poche. Faulkner est en cours de relecture chez moi....
RépondreSupprimerJe ne savais pas que vous relisiez Faulkner, il offre généralement un monde âpre et peu positif. À bientôt !
SupprimerApre est bien le mot qui convient... C'est la réflexion que je me faisais aussi à la relecture de Flannery 0'Connor, du Sud elle aussi.
SupprimerBon dimanche.
Dominique (à sauts et à gambades) m'a envoyé dans le courant de 2019 deux romans et un recueil de nouvelles de F. O'Connor (ebooks), mais je ne les ai pas encore abordés, c'est en projet. Votre remarque sur la similitude de ces univers du Sud suggère de m'y mettre.
SupprimerIl y a tant de projets en matière de lecture qu'on a l'impression de manquer de temps...
Bon dimanche Bonheur.
Je ne connais pas ce recueil, merci pour le bel extrait.
RépondreSupprimerLes Folio 2 € conviennent très bien pour un usage scolaire, mais je doute que, de nos jours, les professeurs puissent demander à leurs élèves d'acheter un livre et de le lire.
Supprimer😉
L'école en serait là ? Je ne peux y croire. Les élèves ont le choix entre l'achat ou l'emprunt en bibliothèque, mais un professeur de lettres ne peut renoncer à les initier à la littérature (seules les dictatures interdisent cela).
RépondreSupprimerC'était du second degré, une plaisanterie, en écho à votre indignation à propos de l'enquête PISA 2019 (les élèves en Belgique et la lecture)...
SupprimerOufti, mon sens de l'humour pris en défaut ;-).
SupprimerCe n'est pas souvent le ton employé ici, J'ai cru que l'émoticône suffirait à signaler le clin d'œil.
SupprimerBonne journée, Tania.
L'univers de Faulkner est en effet sombre et âpre (je ne le donnerais pas à lire à l'école, déjà à l'université j'ai eu du mal au début).
RépondreSupprimerAlors je ne connais pas du tout ces nouvelles, merci beaucoup et bon dimanche.
Je peux comprendre votre avis de ne pas le donner à lire en classe. Il me semble quand même avoir vu en fin d'humanités d'autres textes non moins sombres et pénibles...? Je me rappelle avoir dû me farcir "Les gommes" (Robbe-Grillet), j'aurais certainement préféré (et appris plus) des nouvelles de ce recueil-ci....
SupprimerJe pense que l'intérêt pédagogique de Faulkner (ces nouvelles sont bien plus abordables que ses romans) est surtout d'inviter le (jeune) lecteur à un rôle actif.
Mais c'est vous le prof.
Annie me demande de vous transmettre ses vœux et vous remercie de ceux que vous aviez émis sur votre blog.
Bon dimanche.
Vous avez sans doute raison, Les gommes, le nouveau roman en général, ne m'ont pas appris grand chose si ce n'est une technique d'écriture.
SupprimerJe vais lire ces nouvelles et reviendrai partager mon impression avec vous!
Remerciez Annie, et bonne santé à tous les deux!
SupprimerNe vous sentez pas obligée de les lire, mais je serai heureux d'avoir votre avis.
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