15 février 2021

Reading Faulkner

 

Lire Faulkner minutieusement s'apparente à redevenir étudiant, car il faut se frotter aux versions originales.

Les auteurs de "Reading Faulkner Collected Stories" (2006) dans leur introduction : "Nous avons découvert au cours du travail d'annotation de ces nouvelles que Faulkner connaissait bien ce à quoi il se référait lorsqu'il désignait, même incidemment, des personnes, objets, événements ou mouvements de domaines esthétiques, politiques ou historiques. Son public, en revanche, ne connaît peut-être pas Robert Ingersoll, sans parler de l'importance de sa philosophie pour le personnage principal de "Au-delà", n'a peut-être jamais entendu le beau rythme des os du marin ivre "knocking together and together" de T.S. Eliot et ne sait probablement pas utiliser un middlebuster.[trad. christw] 

Le projet de ce guide est de réparer ces lacunes en contextualisant mais aussi en annotant, dans l'ordre et ligne par ligne, les quarante-deux nouvelles du recueil "Collected Stories"(1950), celles que Faulkner avait lui-même sélectionnées pour l'anthologie. Chaque analyse est précédée d'une belle introduction, avec un aperçu d'éléments critiques. Il y a derrière tout cela un grand travail d'équipe – lecteurs, étudiants, enseignants universitaires – qui permet une approche mieux achevée de chaque nouvelle. La lecture du Nobel de littérature 1949 devrait s'avérer moins daunting, dit la quatrième de couverture, ce qu'on peut traduire par moins intimidant, mais aussi par moins décourageant.

Index du recueil "Collected Stories"

Muni d'une version numérique de l'original des "Collected Stories" (dictionnaire anglais-français à portée, quand même) et des traductions (oui, il faut un peu jongler), l'on peut revoir certaines histoires qui avaient plu, surpris et surtout intrigué. Entendons bien, il ne s'agit pas de relire tout en anglais mais d'aller aux passages/mots originaux explicités. De nouvelles portes s'ouvrent, la réflexion s'enrichit de nouveaux horizons, parfois parce qu'un simple terme esquivé trouve sa valeur. Évidemment, il arrive que les inévitables pertes de la traduction, mais aussi d'habiles compromis, sautent aux yeux.

J'ai jusqu'ici expérimenté ce bon outil qu'est "Reading Collected Stories" à travers trois textes : "Feuilles rouges", "Le centaure de bronze" et "Mistral". Relues sous cet angle, les nouvelles conservent leur atmosphère, on revoit les lieux et les gens, mais tout devient plus net, comme si l'on y avait greffé une multitude de petits détails intéressants, significatifs. Les flous disparaissent, quelques-uns demeurent, comme lors d'un zoom sur une image en haute définition. L'interprétation personnelle est secondée par les indications et commentaires de spécialistes confirmés.

On apprend par exemple que Faulkner ignorait la réalité historique des Indiens Choctaws/Chickasaws du Mississippi qui n'étaient ni polygames ni anthropophages (ces stéréotypes viendraient de Montaigne), que certains jeux de mots (puns) même explicités demandent une connaissance (trop) fine de l'anglais, qu'une scène burlesque est à l'origine du titre "Le centaure de bronze" ou encore que ce texte fut refusé par l'éditeur de "Scribner's" sous prétexte que le surintendant blanc Snopes y est roulé par Tom-Tom et Turl, deux ouvriers noirs. 
Et un middlebuster est une sorte de charrue avec double versoir pour rejeter la terre de chaque côté du sillon : impossible de le restituer en un mot en version française ("L'incendiaire").

L'ouvrage s'adresse à tout lecteur de Faulkner, débutant ou chevronné, à condition de lire l'anglais.

Il y a beaucoup de lecteurs et lectrices qu'inspire l'univers faulknérien, par goût mais aussi pour des raisons liées à leur domaine de prédilection, tel l'anthropologue Jean Jamin, bon connaisseur de l'œuvre. À suivre un prochain jour à travers "Le nom, le sol, le sang". 

4 commentaires:

  1. Je serais bien partante, car je subodore que Faulkner, comme Woolf, se lit de préférence en anglais. Quand c'est possible, bien sûr

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    1. C'est préférable de les lire en anglais bien entendu et vous savez le faire, je pense. Pour ma part, je le lis, mes docs techniques de maquettes et histoires d'aviation sont très souvent en anglais, je note cependant que je m'y fatigue plus vite, certaines tournures ne me sont pas naturelles et puis il y a parfois, voire souvent, du vocabulaire. Pour la littérature, je préfère le français.
      Ce guide comporte une très bonne présentation de chaque nouvelle, c'est très précieux (d'autant que je n'ai pas le Pléiade qui les reprend au complet). Attention, il ne comprend pas le texte proprement dit des nouvelles "Collected stories », mais j'ai trouvé celui-ci en ebook (je crois que vous ne lisez pas en numérique, sinon je vous le refile, c'est un PDF).

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  2. l'anglais et moi n'avons jamais fait bon ménage je préfère l'hébreu ou le chinois :-)

    c'est un travail de titan mais je trouve passionnant que l'on fasse ce genre de travail pour éclaire les écrits d'un auteur que je trouve magnifique

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    1. Le plus compliqué est de jongler avec la version originale et le guide. Il faut trouver la ligne concernée par l'annotation comme on peut, en s'aidant des deux versions, l'anglaise et la française.
      Ça demande de l'attention et de la bonne volonté, mais ce n'est pas si difficile si l'on a une certaine connaissance de la langue. Par contre en chinois ou hébreu, ok, j'abandonne... :-)

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