Bouveresse souligne à la fin de l'ouvrage [page 291] le regard de Musil sur l'égoïsme individuel et le capitalisme : pour Musil, c'est une organisation rationnelle et créative, génératrice de progrès, cependant le fondement de l'ordre – tout relatif – qui la caractérise s'appuie sur un autre type de disposition, à savoir la part non appétitive de l'être humain. L'homme non appétitif, qui rappelle l'homme sans qualités, est exposé par Musil dans "Souffles d'un jour d'été" [chapitre 52 du tome II; page 694] : "C'est à la part appétitive de nos sentiments, explique Ulrich à sa sœur, que le monde doit toutes ses œuvres et toute sa beauté, tous ses progrès, mais aussi son agitation et, en fin de compte, son absurde mouvement circulaire."
L'espèce non appétitive timide, vague et rêveuse peut passer pour asociale et nihiliste : "Sa passion n'a pas encore trouvé d'usage réel dans le monde qui est le nôtre" ajoute Bouveresse et d'enchaîner sur l'artiste qu'il y a en tout homme du possible. L'artiste authentique, selon Robert Musil, ne se confond pas avec un refus bavard de la réalité mais manifeste son insatisfaction à l'égard du réel en exprimant qu'il ne constitue pas le dernier mot.
- Chapitre 4 "S'il y a un sens du réel, il doit y avoir aussi un sens du possible"
- Chapitre 72 "La science sourit dans sa barbe, ou : Première rencontre circonstanciée avec le Mal"
- Chapitre 83 "Toujours la même histoire, ou : Pourquoi n'invente-t-on pas l'histoire ?"
- Chapitre 103 "La tentation"
- Chapitre 52 (tome II) : "Souffles d'un jour d'été"
Repères importants de "L'homme probable, le hasard, la moyenne et l'escargot de l'histoire" :
- Sur l'homme du possible ou sans qualités : pages 284 (avec chapitre 4 de HSQ tome I)
- Les sciences et Musil : pages 15 et 151
- Questions centrales de l'essai : homme nouveau, histoire et probabilités : page 53 et 219
- Fatum statisticum nœud du problème : page 223
- Mode non appétitif : page 291
- Notions scientifiques pour le déterminisme : Appendices I et II
Autre ouvrage de J. Bouveresse : dix études sur Robert Musil (Seuil, 2001) |
Eh bien, ma mémoire ne me restitue pas grand-chose de cette dimension scientifique de "L'homme sans qualités", lu dans la trentaine. La relation d'Ulrich avec sa soeur, l'ironie critique envers la société, le doute systématique y compris sur lui-même, voilà surtout ce qu'il m'en reste. Aussi ai-je fort envie de le relire avec, disons, plus d'expérience de la vie.
RépondreSupprimerSans l'essai de Bouveresse, je pense que la simple lecture de Musil, même à 70 ans, m'aurait laissé un souvenir marquant mais des interrogations en suspens. Il ne me resterait peut-être pas beaucoup plus que vous.
SupprimerAvec cette synthèse en trois parties, j'aurai le loisir de mieux raviver ces connaissances plus tard. La mémoire est très volatile pour des choses si (purement) intellectuelles.