9 juin 2024

À la mer

Qu'est-ce donc qui, dans la mer, attire les gens ? Qui invite l'oisif à venir jouer et méditer sur ses bords ? Qui a édifié ces colonies aux couleurs de sorbets, ces avant-postes du plaisir le long des falaises et des galets de la côte sud ? Le plaisir d'être sur le bord ? Le plaisir dans la précarité du plaisir ? Comment auraient-ils pu se charger d'une si étrange intensité, être l'objet d'une si étrange prédilection, ces petits mondes (le quai, le poste de sauvetage, l'aquarium) que nous fréquentâmes jadis deux semaines sur cinquante-deux, s'ils n'avaient été blottis contre ce monstre assoupi, la mer ? (Traduit de l'anglais par Robert Davreu)

Graham Swift - Incipit de "Cliffedge" - du recueil de nouvelles "La leçon de natation" (1982)


J'ai choisi ce passage parce que la réflexion, avec son lot de questions, m'est souvent venue lorsque que j'ai séjourné à la côte belge.

Onze nouvelles composent "La leçon de natation". En comparaison des romans de l'auteur lus auparavant ("Le dimanche des mères" ; "Le pays des eaux"), elles m'ont paru plus délicates à appréhender. Leur dimension psychologique requiert plus d'attention, voire d'intuition, si l'on veut déceler les "mouvements souterrains" des personnages.

4e de couverture (traduction française, 1995,
Gallimard - Du monde entier)

6 commentaires:

  1. Votre lecture croise celle du "Journal de nage" de Chantal Thomas que je viens de terminer et qui, avec la nouvelle éponyme de ce recueil de Graham Swift, me fait rouvrir la "Lettre au père" de Kafka, pour ce passage où il évoque le contraste de leurs corps dans la cabine de bain : "Moi, maigre, chétif, étroit; toi, fort, grand, large".

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    1. De Thomas à Swift, puis Kafka, déployés en échos, les livres se croisent et s'appellent. Comme une vaste toile mêlant des trames de mots et le fil infini de nos moments de lectures.

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  2. La mer du Nord est loin pour moi, mais ce sont les mêmes questions que je me pose ici. Ce "monstre assoupi" fascine, fait rêver, se noyer aussi.
    Il est certain que contempler son immensité fait oublier le présent, nous englobe dans une dualité infinie ciel-mer.
    La photo me plonge dans des souvenirs...

    Merci, bonne journée Christian.

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    1. Quelques mots bien tournés de Frédéric Schiffter dans son roman "Rétrécissement" sur la proximité de l'océan : "... le spectacle de son immensité, de ses vagues violentes ou de son puissant calme, souligne l'insignifiance de mes cogitations désordonnées et évanescentes. L'océan est un maîtrre d'indifférence."

      Belle journée Colette

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  3. Très beau texte, qui me donne à réfléchir à mon tour sur l'attraction du rivage. Et qui relance l'envie de découvrir cet auteur.

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    1. Malgré la difficulté à se procurer certains titres de Swift, il y en a d'autres en bibliothèque, en réserve parfois. J'espère que vous pourrez bientôt le découvrir, que ce soit à travers nouvelles ou romans.

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