Plusieurs arguments peuvent faire penser que les micro-organismes sont à l'abri de l'érosion de la biodiversité qui affecte les êtres pluricellulaires «organisés» :
- Leur petite taille conduit à des populations très nombreuses dans de petits espaces.
- Vitesse de multiplication et donc d'évolution.
- Capacité à échanger des gènes entre espèces différentes donc meilleure adaptation.
- Présence dans les milieux les plus hostiles.
Ce n'est pas le cas. On a cru longtemps que les bactéries n'avaient pas de biogéographie (Everything is Everywhere), mais la biologie moléculaire montre qu'elles ont bien des répartitions géographiques limitées. La science actuelle invite à la prudence concernant le caractère invulnérable des populations de micro-organismes. Leur rôle est primordial dans le fonctionnement des services écologiques, à travers les grands cycles de l'azote, du phosphore et du carbone.
La biodiversité peut-elle s'adapter aux pressions subies ? À ce propos, l'auteur du livre tient à se montrer prudent : "Il apparaît délicat – même si les études scientifiques incitent de plus en plus à considérer cette éventualité – d'affirmer avec certitude que les changements à venir vont soumettre la biodiversité à des pressions susceptibles de l'impacter profondément et d'amoindrir considérablement les services que nous en tirons. Il n'est pas pour autant pertinent de défendre le point de vue inverse, c'est-à-dire de soutenir que la vie «en a vu d'autres» et que ces craintes ne sont que des frilosités face à l'avenir, voire des arguments commodes pour ceux qui, de toute façon, sont «hostiles au progrès». Cette prudence s'impose d'autant plus que l'on connaît le biais médiatique qui favorise aujourd'hui les annonceurs de catastrophe: l'annonce en 2012, par les chercheurs canadiens, d'un «effondrement planétaire irréversible imminent» – alors que l'article scientifique concerné était beaucoup plus circonspect – a en effet connu un retentissement médiatique très supérieur à la publication cette même année du Living Planet Index, indiquant, comme nous l'avons évoqué, une stabilisation, voire une légère stabilisation de la situation de la biodiversité dans les pays développés." [le livre date de 2013]
Trois illusions fréquentes doivent être démenties.
- La solution miracle : la nature contiendrait des «pépites», nouvelles molécules naturelles, médicaments, agents de lutte biologique, etc. Leur succès éphémère dans les médias sont dus à l'incompréhension du fonctionnement de la biodiversité, car celle-ci "ne tire son efficacité que de la combinaison de solutions isolément imparfaites".
- La maîtrise du vivant : nous n'avons qu'une connaissance et une compréhension très partielles de ses composantes et de son fonctionnement.
- Croire que les innovations fondées sur la biodiversité se révéleront plus performantes que les solutions antérieures sans avoir à reconsidérer la notion même de performance économique. Exemple : si l'on mesure le rendement d'une culture plus économe en intrants (eau, engrais, produits phytosanitaires, énergie) sur la quantité produite par hectare, il sera moins bon ; il faut plutôt rapporter la production aux intrants consommés (comme la distance parcourue par litre d'essence pour une voiture).
L'auteur pense que les stratégies à adopter doivent être adaptées au fur et à mesure, parce que l'on n'a pas une connaissance fine du futur, le terme visé est lointain et les paramètres entrant en jeu sont nombreux, interagissants et mal maîtrisés. Mieux vaut privilégier des stratégies «sans regrets» et régulièrement réactualisées en fonction des informations nouvelles : "Il s'agit d'appliquer le principe que «la biodiversité appelle la biodiversité», de piloter la biodiversité invisible ou inconnue à travers celle, plus observable, des habitats et de considérer que la biodiversité est, in fine, le meilleur juge des évolutions qui lui sont favorables."
"Si nous avons montré tout au long de cet ouvrage l'importance d'aller au-delà d'un objectif de simple arrêt de l'érosion du capital écologique et d'ambitionner un développement de ce capital, un tel objectif de «recapitalisation écologique» ne sera socialement accepté et politiquement porteur que s'il n'apparaît pas antagoniste de la progression du bien-être économique et social."
Information Natagora : le tout premier rapport sur la biodiversité en Belgique a été publié ce mois de septembre 2020, le bilan de santé est mitigé. Le document complet est téléchargeable ici.
Ce genre d'étude est très précieux et le rapport de Natagora devrait être lu par tous ceux qui se soucient de préserver le vivant, merci de l'avoir signalé.
RépondreSupprimerEspérons que chacun veillera à protéger durablement le capital écologique de la planète. Cela demande davantage qu'une prise de conscience.
Supprimer