30 avril 2021

La biodiversité (5) : science vs militance

 

La question "Qu'est-ce au juste que la biodiversité ?" à la source de quatre comptes rendus sur ce blog (sept 2020) est l'objet d'un article de la revue Natagora de mars-avril 2021. La réflexion qu'on y trouve complète les aspects scientifiques du livre de Chevassus-au-Louis que nous avions recensé.

Le terme biodiversité est apparu en 1992 lors de la Conférence de Rio pour désigner la diversité biologique en y incluant la notion sous-entendue de déclin et de préservation nécessaire. En réalité, la diversité biologique désigne la variabilité des organismes vivants de toute origine, ce qui entend la diversité au sein des espèces, entre les espèces et celle des écosystèmes. Néanmoins, pour le grand public, le terme biodiversité désigne implicitement la diversité des espèces (avec la sauvegarde d'animaux charismatiques comme le panda), ce qui n'est pas objectif.

Certes la notion d'espèces est centrale pour la préservation de la diversité biologique, mais l'article pose la question : "les espèces sont-elles des articulations naturelles ou ne sont-elles que des concepts introduits par les scientifiques ?" Quels sont les critères objectifs pour désigner telle espèce, où commence une sous-espèce ? Il arrive aux spécialistes de chipoter pour savoir si deux animaux représentent une seule ou deux espèces, c'est très subjectif. Un exemple est le loup rouge du sud-est des États-Unis. Il est considéré comme espèce en voie d'extinction, mais certains scientifiques considèrent que ce loup est une population isolée des loups de l'Est qui prospèrent au Canada et donc pas à préserver.

D'autre part, y a-t-il plus de biodiversité dans un écosystème de douze espèces d'un seul individu ou dans celui qui compte deux espèces de six individus ? Tel environnement de soixante espèces de moustiques ou celui qui compte un oiseau, un amphibien et un mammifère ?

Le philosophe des sciences Julien Debord évoque même une possible "imposture scientifique" car le terme biodiversité se situe au-delà de la science, c'est un concept subjectif pour mobiliser l'opinion et les scientifiques. 

Ce qui autorise donc, heureusement, la biodiversité à devenir une grande cause politique et sociale. Si l'on pense que la vitesse actuelle d'extinction serait dix à cent fois plus grande que toutes les extinctions massives précédentes, le taux d'extinction des espèces de cent à mille fois plus grand à l'échelle de l'évolution de la terre, on mesure l'importance du slogan biodiversité afin de sensibiliser tout le monde.



4 commentaires:

  1. Parler d'imposture me semble excessif. La science a toujours eu besoin de termes vulgarisateurs comme passerelles vers les grand public, ils ont le mérite d'intéresser, de sensibiliser. Ils ne sont qu'un point de départ pour l'analyse véritablement scientifique, avec ses controverses comme dans les exemples que vous donnez. En tout cas, merci pour ces articles qui aident à réfléchir.

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    1. C'est bien ça, il faut sensibiliser.
      À propos d'«imposture» je ne sais pas contre qui, ni quand/où Julien Debord l'a eu, ceci dit, me considérant du grand public et soucieux de préserver la nature, j'éprouve quelquefois une certaine gêne, sensation de flou, devant l'utilisation à tout va du mot biodiversité.
      D'où sans doute cette volonté d'épuiser le sujet dans des billets.

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    2. Sur le sujet, il peut être utile d'écouter cette émission
      https://www.franceculture.fr/emissions/continent-sciences/les-ambiguites-du-concept-de-biodiversite
      Bon week-end.

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    3. Merci pour vos réponses (et je retire le "s" en trop plus haut).

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