"Mais quel est le rapport entre des cervidés, herbivores purs, et des poissons ? Une fois de plus, c’est un intermédiaire qui est la clé de l’énigme. Il s’agit en l’occurrence de l’ours brun, qui aime la truite fardée, devenue rare. Alors que celle-ci fraie dans de petits ruisseaux, où il est facile pour son chasseur de l’attraper, l’envahisseuse a, quant à elle, un tout autre comportement : dédaignant les affluents aux eaux cristallines, elle se contente de pondre au fond du lac – là où aucun grizzli ne s’approche des parents épuisés. Résultat : notre ours à l’estomac qui gargouille doit chercher une autre proie. Celle-ci, un peu plus difficile à chasser, l’attend sur la terre ferme. Il s’agit des faons, qui se retrouvent dans le collimateur et sont de plus en plus nombreux à rendre leur dernier souffle entre une paire de pattes griffues. À tel point que la population de cervidés du parc recule sensiblement.
Faut-il pour autant s’en réjouir ? N’est-ce pas pour la même raison que nous nous félicitons du retour du loup ? L’ours et le loup réduisent, chacun à sa manière, des effectifs pléthoriques. Mais, ici non plus, l’affaire n’est pas si simple… Car, tandis que le loup chasse aussi des animaux âgés, l’ours privilégie la progéniture, ce qui modifie considérablement la pyramide des âges au sein des hardes. Autrement dit : les populations vieillissent, ce qui accélère leur déclin. C’est bon pour les arbres [les cervidés aiment les bourgeons et causent des blessures aux arbres par frottis/écorcement], mais mauvais pour les cervidés.
Cet exemple le montre encore une fois très clairement : les écosystèmes sont extrêmement hétérogènes et les modifications ne concernent jamais uniquement des espèces isolées. Est-ce le loup qui a la plus grande influence ou le duo truite/ours ? La grande horloge de la nature a plus de rouages que nous n’en connaissons à ce jour…"
Peter Wohlleben - "Le réseau secret de la nature"
(traduit de l'allemand par Lise Deschamps)
Oh mais j'avais totalement 'oublié' ce livre, voilà, c'est noté.
RépondreSupprimerJe constate que les liens entre les espèces sont bien complexes, et là, encore, c'est hors intervention humaine je suppose...
Ou alors je suppose que l'envahisseuse est une espèce introduite?
On ne sait pas très bien comment cette truite fardée (elle est rouge) a envahi le lac il y a une trentaine d’années, des pêcheurs inconscients de la protection de la nature ? Elle a pris la place des autres truites. Les répercussions sont incroyables.
Supprimerles livres de P Wohlleben sont vraiment un bonheur de lecture outre l'intérêt scientifique
RépondreSupprimerYellowstone un lieu qui m'enchante; me donne des envies de grands espaces
Vous avez raison. Et c’est grâce à vous que je lis ses livres 😀. Merci.
SupprimerQuel plaisir de vous retrouver par ici !
RépondreSupprimerCet auteur est incroyable. J'aime toujours ce qu'il écrit car il explique bien et clairement des faits complexes et montre que rien n'est simple ou noir ou blanc - en fait, c'est la vie.
J'ai déjà noté ce livre-là mais un grand merci de me le rappeler.
Bonne journée.
Bonjour Marie, heureux de vous retrouver ! Requis par un modèle réduit et une exposition, j’ai fait une longue pause. Peu lu l’été, je m’y remets en bord de mer, loin de mon atelier...
SupprimerRien n’est simple dans la nature, Wohlebben le raconte bien.
Un sujet passionnant, merci de continuer à nous en parler.
RépondreSupprimerMerci de suivre ces billets.
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