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3 décembre 2022

Trésors périurbains

"Plus de la moitié de la population mondiale se concentre aujourd'hui dans les villes. Selon les projections, à l'horizon 2050, les deux tiers de la population mondiale vivront dans les métropoles. Pour accueillir ces nouveaux habitants, les villes se densifient au détriment de la campagne. 
[...].
La plupart des services rendus par les forêts périurbaines sont des services non-marchands. Jusqu'à présent, seule la production de bois permet au gestionnaire d'en tirer un revenu (avec les fluctuations du prix du bois!). Ces revenus permettent de faire face à une partie des dépenses générées par l'accueil du public. Des méthodes pour évaluer l'importance des autres services rendus par ces forêts doivent être développées afin de faire prendre conscience aux décideurs de la réelle valeur des forêts périurbaines pour la société."

"Le grand livre de la forêt" - S. Vanwijnsberghe (Forêt Wallonne asbl, 2017)



"Une forêt périurbaine est une forêt qui subit l'influence et la pression de la ville"
(définiton Moigneu T.)

26 septembre 2022

Derniers seigneurs

C'étaient des totems envoyés dans les âges. Ils étaient lourds, puissants, silencieux, immobiles : si peu modernes ! Ils n'avaient pas évolué, ils ne s'étaient pas croisés. Les mêmes instincts les guidaient depuis des millions d'années, les mêmes gènes encodaient leurs désirs. Ils se maintenaient contre le vent, contre la pente, contre le mélange, contre toute évolution. Ils demeuraient purs, car stables. C'étaient les vaisseaux du temps arrêté. La Préhistoire pleurait et chacune de ses larmes était un yack. Leurs ombres disaient : « Nous sommes de la nature, nous ne varions pas, nous sommes d'ici et de toujours. Vous êtes de la culture, plastiques et instables, vous innovez sans cesse, où vous dirigez-vous ? »

Sylvain Tesson - "La panthère des neiges" (Gallimard, 2019)
 
Vincent Munier

30 avril 2021

La biodiversité (5) : science vs militance

 

La question "Qu'est-ce au juste que la biodiversité ?" à la source de quatre comptes rendus sur ce blog (sept 2020) est l'objet d'un article de la revue Natagora de mars-avril 2021. La réflexion qu'on y trouve complète les aspects scientifiques du livre de Chevassus-au-Louis que nous avions recensé.

Le terme biodiversité est apparu en 1992 lors de la Conférence de Rio pour désigner la diversité biologique en y incluant la notion sous-entendue de déclin et de préservation nécessaire. En réalité, la diversité biologique désigne la variabilité des organismes vivants de toute origine, ce qui entend la diversité au sein des espèces, entre les espèces et celle des écosystèmes. Néanmoins, pour le grand public, le terme biodiversité désigne implicitement la diversité des espèces (avec la sauvegarde d'animaux charismatiques comme le panda), ce qui n'est pas objectif.

Certes la notion d'espèces est centrale pour la préservation de la diversité biologique, mais l'article pose la question : "les espèces sont-elles des articulations naturelles ou ne sont-elles que des concepts introduits par les scientifiques ?" Quels sont les critères objectifs pour désigner telle espèce, où commence une sous-espèce ? Il arrive aux spécialistes de chipoter pour savoir si deux animaux représentent une seule ou deux espèces, c'est très subjectif. Un exemple est le loup rouge du sud-est des États-Unis. Il est considéré comme espèce en voie d'extinction, mais certains scientifiques considèrent que ce loup est une population isolée des loups de l'Est qui prospèrent au Canada et donc pas à préserver.

D'autre part, y a-t-il plus de biodiversité dans un écosystème de douze espèces d'un seul individu ou dans celui qui compte deux espèces de six individus ? Tel environnement de soixante espèces de moustiques ou celui qui compte un oiseau, un amphibien et un mammifère ?

Le philosophe des sciences Julien Debord évoque même une possible "imposture scientifique" car le terme biodiversité se situe au-delà de la science, c'est un concept subjectif pour mobiliser l'opinion et les scientifiques. 

Ce qui autorise donc, heureusement, la biodiversité à devenir une grande cause politique et sociale. Si l'on pense que la vitesse actuelle d'extinction serait dix à cent fois plus grande que toutes les extinctions massives précédentes, le taux d'extinction des espèces de cent à mille fois plus grand à l'échelle de l'évolution de la terre, on mesure l'importance du slogan biodiversité afin de sensibiliser tout le monde.



27 décembre 2020

Le lièvre photogénique

En feuilletant le volume à sa réception, on se dit que les livres ne sont pas seulement affaire de lecture, les images et bonnes reproductions photographiques font aussi leur valeur. Ce ne sont qu'excellents clichés animaliers dans "Le lièvre invisible" et les petits textes concis clairsemés parmi les neiges splendides, rocailles et mélèzes dorés sont sources d'informations édifiantes. 

Nous apprenons que le lièvre variable, blanc l'hiver, brun gris en belle saison, fait partie des animaux légendaires tels le lagopède, le renard polaire et les rennes, rescapés du retrait des glaciers quaternaires qui recouvraient l'Europe septentrionale et les Alpes. Il se nourrit en hiver de tiges ligneuses, comme l'aulne vert, qu'il digère grâce à ses capacités de cæcotrophe, c'est-à-dire qu'il mange ses crottes transformées dans le cæcum en concentré de protéines et vitamines. Pour résister au froid, il régule sa circulation sanguine aux extrémités de sorte que la température interne au bout de ses pattes peut descendre à 1°. Et vous le saviez peut-être, le lièvre mâle est un... bouquin. 

Les auteurs sont Olivier Born, photographe animalier professionnel suisse et Michel Bouche, vétérinaire de formation, spécialiste du lièvre variable, qui étudie les mammifères des Alpes françaises. 

Le 3 novembre 2019, Olivier Born écrivait : "Quand la tempête fait rage, quitter la chaleur du lit exige pas mal de motivation. Mais pour essayer de réaliser des images montrant l'incroyable adaptation au froid du lièvre variable, il faut aussi aller à sa recherche dans les pires conditions." Car l'ouvrage est le résultat d'une longue poursuite de l'animal discret à travers les années [depuis 1985 selon les notes datées] dans les Alpes occidentales. Le fruit non seulement de la chance et du talent, mais aussi de la patience et de la persévérance. Ceux qui se sont essayés à tenter le cliché d'un animal sauvage en liberté, ne fût-ce que dans leur jardin, savent de quoi je parle. Merci à La Salamandre de m'avoir envoyé le livre via Babelio

Certaines photos dignes de prises en studio sont rarissimes, issues d'un tête-à-tête exceptionnel avec l'animal, à 2200 mètres d'altitude, que le chasseur d'images a vécu comme un rêve. 

En hiver, la nourriture est rare et l'énergie précieuse : saviez-vous que celle nécessaire à ce petit animal pour fuir dans la neige, ajoutée à l'anxiété provoquée par une intrusion dans son territoire, peut lui être fatale ? Mille lièvres variables sont, hélas, prélevés chaque année en France par la chasse. 

Tout en étant un cadeau de choix pour les naturalistes, le livre est accessible à toute la famille et des personnes moins concernées y trouveront peut-être une vocation. Les plus petits s'amuseront à découvrir le blanchon dans les nombreuses photos où il se fond dans le décor, pas simple même pour des yeux aiguisés.

Ne manquez pas le making-of du projet de ces passionnés.

Olivier Born sur la piste du lièvre variable - Photo Alessandro Staehli

19 octobre 2020

Patrimoine et nature

Il faut savoir être un arbre durant les quatre saisons,
Et regarder, pour mieux se taire,
Écouter les paroles des hommes et ne jamais répondre,
Il faut savoir être tout entier dans une feuille 
Et la voir qui s'envole.
(Jules Supervielle - "Les amis inconnus", extrait)

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Respiration de la lumière, du feuillage, des couleurs.
Qui ne peut demeurer longtemps en contemplation
devant un arbre ne peut comprendre tout à fait que
le monde entier est attente, initiation.
(Christian Hubin - "La forêt en fragments", extrait)


Lors des journées du Patrimoine 2020, visite du parc du château de Waroux et ses arbres vénérables. La guide avait agrémenté sa présentation d'une page littéraire dédiée aux arbres. Moment marquant avec ces centenaires.

©ParisMatchBelgique

5 janvier 2019

Le pierrot déchante


Deux raisons à ce billet, la première pour souligner l'interrogation du magazine "Natagora" de janvier-février: "Rendons-nous nos villes tellement peu vivables que même ce commensal qui nous accompagne partout depuis si longtemps n'arrive plus à nous suivre ?" Car le moineau domestique disparaît des villes ; à Bruxelles, l'effectif a diminué de 90% en vingt ans, et s'il se maintient en Wallonie, les grandes agglomérations le voient beaucoup moins. Mon logement près du centre est entouré d'arbres et je vois des pies, corneilles, mésanges, merles, grives et quelques geais, mais très peu, voire jamais de pierrots. Les hypothèses de cette raréfaction citadine s'expliquent probablement par le manque de sites de nidification, la pollution et la carence de graines et d'insectes.

L'article décrit comment, grâce à la génétique, on a pu retracer les origines de l'espèce si liée à l'homme, remontant à 11.000 ans par l'étude de l'ADN du Bactrianus, oiseau d'une espèce cousine connue en Asie centrale et migrateur. Notre moineau, qui a développé un bec et un crâne renforcés, s'est répandu en Europe suite à l'apparition de l'agriculture (graines, chevaux) et sa population mondiale est estimée à plus d'un milliard d'individus. Une espèce génétiquement définie par sa relation à l'homme, comme le chien.

J'en viens à la seconde raison de ce billet : valoriser le travail et les publications des acteurs d'organisations sans but lucratif telles que Natagora (Natuurpunt) en Belgique. Le magazine (6 numéros/an) est simple et concis, bien illustré, tout âge, disponible en version papier ou numérique. Son éditorial rappelle que le combat pour la biodiversité est loin d'être gagné. À l'heure des bonnes résolutions, pensons-y.


© www.natagora.be